La Brenne est par excellence le pays des géants et des fées qui, au XXe siècle comme au temps jadis, hantent les brandes et les étangs, leurs lieux favoris.
Le plus célèbre des géants brennous est Galifront (forme brennouse de Gargantua). Il y longtemps, lorsque la Brenne était encore un immense marécage, Galifront pour aller de Tours en Limousin dut la traverser à pied.
Malgré ses grandes jambes il enfonçait un peu à chaque pas, et ses énormes pieds étaient tout pâtés de quantité de boue qui le gênait pour marcher. De temps à autre il devait secouer ses botes et chaque fois il en tombait assez de terre pour en former une butte. Telle est l’origine des terriers brennous, les patins de Gargantua.
Si Galifront a été le créateur des buttes, son fils est le génie des étangs. Galifront aurait été en effet le père du grand Bissexte qui apparaît en Brenne les années bissextiles. C’est un être surnaturel, plusieurs fois grand comme un homme, sorte de génie des eaux, des rivières et des étang. Il est nu jusqu'à la ceinture et la partie inférieure de son corps ne quitte pas l’élément liquide qui est son domaine. Il inspire une immense terreur à tous ceux qui l’aperçoivent : s’ils ne se sauvaient pas ou s'ils s’approchaient du monstre, celui-ci les saisirait de ses bras humides et les entrainerait au fond des eaux pour les dévorer.
En Brenne, l’étang reste l’élément typique de l’environnement rural et paysager. Dans cette région, des motifs légendaires contribuent à transmettre l’explication de l’origine de ces aménagements.
Des témoignages affirment que les moines des abbayes de Méobecq et de Saint-Cyran créèrent les étangs en Brenne dés le VIIe siècle. Cette tradition de moines constructeurs, que l’on retrouve dans d’autres régions d’étangs françaises, ne semble pas être vérifiée par les documents d’archives. Certes, l’abbaye devait posséder viviers ou étangs pour subvenir à l’approvisionnement de la communauté; mais le mouvement de construction d’étangs à l’époque des grands défrichements et de la mise en valeur de nouveaux terroirs agraires, est aussi bien le fait de seigneurs laïcs que d’ecclésiastiques aux XIIe et XIIIe siècles.
Dagobert chasseur, Dagobert bienfaiteur des abbayes brennouses, Dagobert sujet de légendes…
En Brenne, ce roi reste fort populaire. On y évoque ses chasses et ses chiens qu’il fit noyer dans plus d’un étang (au grand étang de Méobecq, dans celui de la mer rouge…).
A cette occasion, il prononça cette formule fameuse : « il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte », parole passée en proverbe.
Dagobert serait venu souvent chasser en Brenne et aurait aussi souvent soupé et couché en de nombreuses fermes de la contrée. C’est en chassant dans la contrée qu’il a dû un jour noyer sa meute atteinte de la gale… Mais ici la légende locale emprunte quelque peu à la célèbre chanson consacrée à ce roi des Francs, fils de Clotaire II, qui régna de 629 à 639.
« Les chiens de Dagoberg
Etaient de gale tout couverts
Le grand Saint Eloi
Lui dit : O mon roi
Pour les nettoyer
Il faut les noyer.
Eh bien ! lui dit le roi,
Va-t-en les noyer avec toi. »
Il convient de préciser que cette chanson populaire fut composée à la fin du XVIIIe siècle sur la fanfare du cerf, un air de chasse bien connu à l’époque, et que celui qui est raillé sous les traits d’un lointain souverain n’est autre que Louis XVI…
Dagobert aurait également été le bienfaiteur de deux abbayes brennouses, créées sous son règne, celles de Méobecq et de Saint-Cyran. Une charte apocryphe, donc non authentique et douteuse, fut composée par des moines, afin de donner à leur établissement une origine royale.
Finalement, dans ces textes apocryphes, « monuments élevés à la gloire de Dagobert » selon l’expression de Devailly, les développements fantaisistes l’emportent sur la vérité historique. Ces textes ont seulement pour but d’enrichir la légende et perdurer de manière orale, à travers le temps.
Parmi les invraisemblances que l’on peut signaler, outre que le fait que le roi Dagobert n’ait jamais séjourné en Brenne, c’est le rôle que joue l’étang dans l’imaginaire brennou.
A l’époque où se situe la noyade de la meute dans un étang de Brenne, la contrée est loin d’être couverte de pièces d’eau comme au début du XIXe siècle (au début XIXe siècle, 413 étangs couvrent une superficie de 4000 hectares)… La tradition locale, quant à elle, attribue aux moines bénédictins de Méobecq la création des étangs, à partir du VIIe siècle. Cette légende de moines constructeurs d’étangs se rencontre par ailleurs dans d’autres régions françaises.
Au Moyen Age, un grand mouvement de création d’étangs émanant des établissements religieux modifie le paysage de Brenne. La noyade de la meute dans l’étang ne peut être que le fruit de l’imagination populaire…
N’est-il pas pour autant important de maintenir ces légendes qui font parties intégrantes de notre patrimoine imaginaire collectif ?